depuis l'accident je ne peux m'empêcher de penser que ça doit être
pareil quand on meurt. un instant raté, hors du temps, non mesurable.
la voiture autour de moi, comme une coque peu sure qui m'emprisonne et
file... file... absolument autonome. rien que de la matière temps, ni angoisse,
ni peine, ni douleur, de la durée en masse, brute, dont je fais partie.
et puis la permanence du bruit du choc comme une sonnerie de réveil qui vient
interrompre une nuit trop courte.
jusqu'au silence, enfin, énorme, quasi définitif, répandu jusqu'à l'intérieur de moi.
et enfin une voix dans ma tête qui répète infiniment : Porte
D'Orléans, Terminus!, tout le monde descend! je suis le petit garçon
au fond du bus qui a eu si peur de s'endormir, je revois absolument à
l'identique le visage du chauffeur dans le rétroviseur qui lui permet de garder
un œil sur ses passagers, on se fixe à plus de trente ans de distance, je le
reconnais parfaitement et je crois lui sourire, alors il ajoute : allez
ouste gamin! faut pas trainer! je
l'aimais bien ce chauffeur pourtant je l'avais oublié.
je vois des gens qui frappent du plat de la main sur ma voiture, ils
crient aussi mais il me semble que je suis sourd désormais, je pense leur faire signe,
je me sens tellement fatigué, j'hésite à communiquer.
ils croient me sortir de ma voiture alors qu'ils m'extirpent d'un moment
d'enfance, j'obéis, je sors, et puis je leur tombe dans les bras. je regarde ma
voiture grimpée sur un de ces nombreux ronds-points qui marquent l'entrée
d'Ajaccio, je ne sais pas si je dis ou si je pense : putain elle a morflé!! en
tout cas je ne me demande pas ce qu'elle fait là. je compte mes bras, mes jambes... je vois le camion stationné
en zigzag de l'autre côté, ça me rappelle des choses... pas grand chose. Ça me
rappelle un bruit plutôt.
mes pensées me ramènent toutes au chauffeur du bus 38, et je suis certain qu'il est mort.
mes pensées me ramènent toutes au chauffeur du bus 38, et je suis certain qu'il est mort.
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