photographie Krass Clement, Paris 1960. |
cela dit pour suggérer une forme de boucle... temporelle.
traçant mon chemin parmi les impossibles je me persuade n'être là que pour le plaisir de l'autre.
faute d'horizon je me cherche des lignes de fuite, je le vois toutefois si heureux que je me laisse gagner par un calme assez irréel en ces lieux, et sa joie devient même communicative.
il sait qu'à plus d'un titre les voitures ne m'intéressent guère et donc ce que peut avoir d'incongrue ma présence à ses côtés en territoire que je qualifierais hostile. mais effectivement, seuls m'importent "ses côtés" et ce qu'ils m'inspirent, le reste m'est égal. nous jouons des gammes relationnelles sur les hésitations polies de vendeurs plus ou moins hardis. sachant qu'un bon commercial s'interdit des à priori qui pourraient bien se révéler piégeux, alors qu'en fait seule une chose l’intéresse vraiment : identifier le payeur quelqu'en soit le déterminant. mais les regards interrogent malgré eux, et encore tout pétri d'esprit provincial je m'étonne de cette tolérance tandis que dès le lendemain, et déjà dans pas mal de conversations, les slogans haineux d'un peuple désespérément à la botte s'élanceront de nouveau dans l'air parisien.
la veille toutefois nous nous égarions dans le Marais à la recherche de boutiques pas forcément communautaires mais assez tout de même pour exprimer quelque chose de cet endroit. endroit, cela dit en passant, qui ne ressemble plus à grand chose. il s'agit bien de boutiques et d'achats. pour le reste, trente ans plus tard je me demande encore : "quelle communauté?".
longtemps sujet de friction, je n'ai jamais cru à la communauté des gays. plus que la bêtise, c'est la haine et l'envie que j'ai pu croiser dans cet univers qui y ont détruit mes possibles illusions. et je parle de temps préhistoriques où les jugements n'étaient pas aussi superficiels que de nos nos jours, alors que par provocations ils prétendissent l'être. j'ai toujours été réactif et solidaire contre l'homophobie ou le racisme, plus proche de l'ami marocain hétéro que bousculait dans le métro un flic visiblement pédé. mais pas de communion pour des sexualités qui ne me regardent pas en fait. aussi lorsque Xavier Dolan revenait sur sa Queer Palm dans Télérama et un peu aussi sur ce que cela lui inspirait, je me disais que décidément ce garçon est brillant. parfois exagérément, mais brillant. j'étais donc très étonné des réactions en chaîne du milieu soudain gagné par une forme acclimatée de bien-pensance gay. jusque des gens très respectables qui allaient me décevoir en vouant aux gémonies l'impie canadien privilégié et ses frasques verbeuses... des anciens, des sages presque, de la mouvance, oublieux qu'eux-mêmes s'emballèrent dans des propos de jeunesse.
la vie n'est faite que de déceptions.
ce qui ne devait pas nous décevoir fut "le" Saint Laurent de Bonello. personnellement, et si les projections permanentes existaient encore, j'aurais pu en reprendre trois fois. j'entends "incroyable ce qu'il lui ressemble!!", non je ne crois pas, et peu importe d'ailleurs. ce film ne ressemble pas il transcende, il use pour cela de jeunesse, de beauté, de désir et de peur, qu'il traduit avec génie en lumières et en attitudes et s'en écoule quelque chose qui pourrait bien être le venin de la création. bien sûr qu'il y a du temps perdu et du temps retrouvé là-dedans. de cette philosophie et de cette poésie affrontées dans une chair.
nous sommes rarement venus ensemble à Paris. il voulut voir mon quartier, bien que ma maison n'existe plus, et aussi la boulangerie de mes grands parents rue Saint Placide, devenue magasin de sushis.
le temps passe.
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