"la vie de tous les jours", Ben Vautier |
non, bien sûr. je ne disais plus grand'chose. ici, du moins
ce blog dont j'ai changé le nom. j'avais fini par trouver l'autre stupide, voire un tantinet prétentieux... (un tantinet...!!!)
ici je suis souvent venu avec cette impression limite fatale qu'il fallait faire le ménage,
faire le ménage...
je change, je supprime,
j'époussette. un accent, un mot...
et un petit brouillon, du par-ci par-là quoi.
photographie de Matthias Heiderich |
donc, puisque je ne l'ai pas dit, j'ai changé de voisins. encore.
peut-être la dernière fois de l'été.
car ce fut l'été jusqu'à aujourd'hui : scoop!....
saison frivole, j'y change de voisin comme de chemise. chemisette.
le proprio d'à côté a divisé sa grande baraque en appartements de luxe pour touristes nantis.
exotisme garanti. mer et montagne.
d'ailleurs ça s'appelle "Mare è Monti", pas original mais apparemment satisfaisant.
l'été, saison. argent.
Libye, Gaza, Ukraine, Irak, Syrie, Centrafrique, Afrique...etc, pour ne citer que le plus spectaculaire. les charniers photogéniques.
été : chants authentiques, spectacles traditionnels. un festival populaire. intermittents, ...etc.
des cases à remplir. avec des "boums!" et des "pans!" et des "bravos!",
esprit B.D.
mais je n'en parle pas. assez de m'engueuler avec tout le monde à propos du monde.
le Monde. notre Europe de crise que même la Chine convoite.
donc, je regarde sécher les serviettes des voisins. en silence.
c'est lâche.
j'ai changé de voisins, et de serviettes, toutes les semaines. la grande bâtisse se prostitue de samedi en samedi de juin à septembre.
après le grand silence de l'hiver. ça fait bizarre tous ces gens...
échantillonnage humain, mais toujours, toujours, TOUJOURS : les serviettes.
étendards conquérants de nos modernes vainqueurs.
elles flottent, battent, s'accaparent le paysage.
certaines fois elles disent : "t'as vu? on est encore allé à la plage!"
d'autres fois ce serait plutôt: "on préserve notre intimité.. des fois que...", ou au contraire: "j'en profite de ramasser mes serviettes pour vous faire un p'tit coucou..."
tant de variantes humaines.
temps n°1 : fraternisation "entre nous", le postulat à priori étant : "tous égaux dans la location estivale". mais, attention, révélation-choc, nous n'estivons pas, nous résidons à l'année. donc :
temps n°2 : ah bon! mais vous n'êtes pas d'ici!, parce que vous le faites pas du tout, hein ....
sûr que la nudité de Guillaume, qu'il considère comme un élément constitutif de sa sieste, ne fait guère couleur locale... par contre sa corsitude s'exprime pleinement dans la totale indifférence qu'il manifeste à l'égard de ces nouveaux venus interchangeables. ils lui sont invisibles, mais on dirait qu'ils ne s'en rendent pas compte... dans sa culture à lui l'éphémère est insignifiant.
c'est moi qui gère le social donc, et bien qu'en définitive on n'ait pas grand'chose à se dire je converse avec ces étrangers, usant le plus possible de plates banalités, d'enthousiasmes feints et d'expressions convenues.
une fois encore nos "compatriotes" témoignèrent de cette habitude inextricable à chercher la solution de problèmes qui n'existent pas ailleurs que dans leur tête; et de ce besoin de parler, parler et parler encore de tout ce qu'ils ignorent...
un groupe de gais, toulousains je crois me rappeler, m'a fort déçu. bêtement, de façon quelque peu corporatiste certes, je les trouvais plutôt sympathiques. mais le naturel revient au triple galop. leurs yeux nous renvoyaient l'image, fort dévalorisante, des cousins de province auxquels ils se devaient d'expliquer la vraie vie, et pourquoi pas la civilisation. mais étions-nous prêts à assimiler le message du progrès?
en fait nous avons réservé notre proverbial sens de l'hospitalité à une famille de Norvégiens charmants, un papa, une maman et deux adolescentes rigolardes, avec eux tout était très simple. magique. ils sont venus dîner un soir en apportant des fleurs et une bouteille de champagne. gagné!, j'ai trouvé ces choix touchants et élégants. bien sûr nous avions fait couleur locale : blinis avec tzatziki et ktipiki, mais aussi, qu'on se rassure, charcuterie et aubergines farcies dont je suis devenu la reine incontesté. champagne, eau de vie, et musique car Guillaume a donné un récital, main sur l'oreille (évidemment!) c'étaient en fait des passionnés de musiques, la mère prenait des notes, ils entonnaient les refrains, et Guillaume était ravi : un grand moment fusionnel. leur frustration de n'avoir pu savourer de brucciu frais nous a engagés à les inviter cet hiver. comme quoi on n'est pas que des sauvages.
blague à part la note d'ensemble ne serait pas fameuse s'il fallait s'en tenir aux apparences. je me garde bien de juger les gens et considère à postériori, et avec tolérance, que leurs approches si diverses, dont celles qui ont pu me sembler maladroites, sont autant d'usages qui auraient pu être les préambules de quelque chose...
quoiqu'il en soit les serviettes mettent désormais un peu plus de temps à sécher et gare à ne pas les oublier le soir, ce pays est très humide...
Michel Simon, "Le Vieil Homme et l'Enfant" de Claude Berri |
(1) "Dieu te garde d'un mauvais voisin comme d'un violoniste débutant."
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