Ces beaux noms d’hérésies renvoient à une nature qui s’oublierait assez pour échapper à la loi, mais se souviendrait assez d’elle-même pour continuer à produire encore des espèces, même là où il n’y a plus d’ordre. La mécanique du pouvoir qui pourchasse tout ce disparate ne prétend le supprimer qu’en lui donnnant une réalité analytique, visible et permanente : elle l’enfonce dans les corps, elle le glisse sous les conduites, elle en fait un principe de classement et d’intelligibilité, elle le constitue comme raison d’être et ordre naturel du désordre. Exclusion de ces mille sexualités aberrantes ? Non pas, mais spécification, solidification régionale de chacune d’elles. Il s’agit, en les disséminant, de les parsemer dans le réel et de les incorporer à l’individu.
Michel Foucault Histoire la sexualité, 1 : la volonté de savoir / 1976

16 novembre 2013

"l'homme est une destinée nue", proverbe rom.

Ryan Shude



« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la Haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. » (lettre de Gustave Flaubert à George Sand du 12 juin 1867, citée par Gabriel Matzneff)


Adam Vaas par Sam Scott Schiavo, "The Bohemians".


la petite Maria s'est bien foutue de nos gueules..., la "jolie petite fille blonde" n'avait pas été enlevée, mais confiée par ses parents eux-mêmes à d'autres qui leur semblaient plus fortunés. c'est pas une belle histoire du tout, rien  qu'une histoire de pauvres; on doute qu'il y ait de la bonne foi là dedans et ça laisse un petit goût salace. des trucs de Roms quoi... ni clairs ni nets.
putain! les cons! t'irais filer ton môme à des Roms toi? enfin quoi, réfléchis!! ah, ils sont tous Roms? pouh! j'y comprends plus rien là!, d'ailleurs la flicaille grecque elle a fait ni une ni deux, allez hop! on embarque on enquêtera plus tard!, et la presse? oui la presse... les journalistes qui garantissent la liberté des gens, ces inébranlables remparts de la Démocratie? ben ils ont fait pareil que la police en mieux, les maîtres de la pensée critique ont inventé un nom superbe, très poétique, "l'Ange Blond"...ξανθιά άγγελος , ça c'est beau ça, ça résonne bien dans les rédactions étrangères (de celles qui achètent des reportages croustillants), ça contraste bien avec ce qui pourrait s'appeler le gang des Diables Noirauds, ces indécrottables voleurs d'enfants qui la séquestraient. et alors les politiques? (qui en Grèce comme ici n'ont vraiment rien de plus pertinent à faire que gérer les faits divers), ils ont mis l'affaire en avant, avec des larmes dans les communiqués, Samaras en tête. l'effervescence grecque est devenue européenne, puis mondiale. mais dans quel château de conte de fées avait-on volé la petite princesse? et tandis qu’Interpol faisait défiler ses fiches de parents aux blondeurs toutes vikings, les médias, auxiliaires fidèles de l'ordre et du devoir, vomissaient à l'envie une impressionnante campagne raciste internationale contre les Roms, totalement décomplexée. (parce que quand on fait des déclarations d'apparence "spontanées" on dit que c'est décomplexé, avec le joli parfum bon sens populaire comme on aime)



en France, fatalement on est les meilleurs, grâce au petit coup de pouce de la mise en perspective nommée Léonarda on a pu faire mieux que les voisins. "LÉ-O-NAR-DA" dans la bouche même du Président de la République! si, si, je te jure! l'affaire sommitale de l'état qui se cherche un sens. à mourir. le prénom ridicule!!! rom! les gros sourcils moches!!! rom! le genre vulgaire!!! rom! l'ado pas fini qui dit pas merci!!! rom! elle avait tout faux la gamine et la France pouvait se gondoler à 87%, un bon rire libérateur entre soi, et  sans complexe. foutez la dehors la vilaine, ses poils broussailleux et sa clique d'assistés pas intégrables!!! ici on ne veut que des beaux intelligents comme nous!! qui se font du pez en jouant au con, des comme Nabila, compris?
Caïn le cultivateur n'en finira jamais de tuer Abel le berger, c'est rassurant quelque part en période de crise. sédentaires on se rejoue l'histoire qui se conclut infiniment par la mort du nomade au regard buté. comme si cette liberté de bouger devait se payer coûte que coûte.
ils sont nombreux aujourd'hui les Grecs à conspuer une gamine trop blonde pour être honnête, lui vouant une sorte de haine pas claire née du fantasme avorté  d'enfant volé puis sauvé, par eux dans le rôle du prince, la honte du rêve ridicule évanoui, du mensonge fait à soi-même, de la petite branlette de bonne conscience sortie de son contexte hypocrite. on a cru pouvoir se montrer combien on est gentil, mais pas de rapt..., ni vente ni voleurs..., juste une sordide illustration de la misère des temps qui pousse de nombreux Grecs à confier leurs enfants à la famille ou à l'orphelinat; quand la peur les rattrape, quand on se voit en lieu et place du réprouvé les médias font le reste. c'est si facile de laisser croire que les pauvres sont fauteurs de misère... une contagion, un cancer-pauvre, combien de générations derrière nous pour que nous rencontrions  des enfants abandonnés? dans les Balkans, en Italie, dans les belles provinces de France, les faubourgs des villes d'Angleterre ou les campagnes allemandes?? pas tant que ça en fait. deux ici, trois ailleurs. 
Maria? quelle importance maintenant? elle a tout gâché cette petite conne.

"Ce n’est pas un film et ce ne sont pas des figurants
les personnes différentes suspendues disparues
entre nous et le décor
et le reste du monde
qui traversent la frontière

la frontière est ronde
et se déplace au fur et à mesure que nous bougeons les yeux

il nous semble loin parce que nous sommes en retard,
éternels, constants,
il suffit d’un instant,
à un pas du centre c’est déjà trop loin,
à un pas de la mer c’est déjà trop la montagne,
à un pas d’ici c’était partout la campagne."


 Non è un film e non sono comparse
le persone diverse sospese e disperse
tra noi e lo sfondo,
è il resto del mondo che attraversa il confine
ma il confine è rotondo
e si sposta man mano che muoviamo lo sguardo
ci sembra lontano perchè siamo in ritardo,
perenni, costanti,
ne basta un istante,
a un passo dal centro è gia troppo distante,
a un passo dal mare è gia troppo montagna,
a un passo da qui era tutta campagna.
Fiorella Mannoia

 Traduit de l’italien par Olivier Favier.
Extrait de Fiorella Mannoia, Sud, 2012. 



Caïn & Abel, DorianX
heureusement les différences ne manquent pas, tu casses du pédé au printemps, du rom en été et pour l'hiver le noir fera très bien l'affaire... petit concours de vannes pour garder la forme et se prouver que c'est pas bien méchant tout ça. on a tant à se dire! tant de haine encore à venir et, cherry on the cake, tu peux continuer à t'interroger sur le comment ça se fait que ça nous arrive tout ça et tu pourras continuer à te chercher des méchants comme les enfants se demandent où est  Charlie, ou n'importe quoi d'autre puisqu'il faut bien s'occuper quand il pleut. 







" L’Anglais de la haute classe est noble et distingué.
L’Anglais de la basse classe est vil et bestial
Le Prussien est adonné aux arts et aux sciences
Le Moscovite est attaché à la personne de son souverain
Le François a l’esprit vif et subtil. Il est fier et loyal
et a un sentiment très noble de l’idée de Patrie
Le Japonais est athlétique, cruel et vindicatif
On a peu de renseignements sur le Papou"

(Extrait de la
Géographie à l’usage des enfants
, de l’abbé Delarue (Paris, 1827), cités d’après le
Dictionnaire Canard
(numéro spécial du Canard Enchaîné)

ce qu'on peut reprocher à cette époque c'est qu'en dépit de ses promesses elle fut en définitive semblable aux autres. on n'y a pas grandi, on n'y grandira pas. nous pensions tout avoir en tête et en mains, nous pensions nous être préparé à toutes les adversités. et la peur a tout gâché. ce que nous réalisions ne l'était que dans le cadre de ces parenthèses enchantées dont le sens même est de disparaître sous nos yeux pour n'avoir aucun sens.
 

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