Ces beaux noms d’hérésies renvoient à une nature qui s’oublierait assez pour échapper à la loi, mais se souviendrait assez d’elle-même pour continuer à produire encore des espèces, même là où il n’y a plus d’ordre. La mécanique du pouvoir qui pourchasse tout ce disparate ne prétend le supprimer qu’en lui donnnant une réalité analytique, visible et permanente : elle l’enfonce dans les corps, elle le glisse sous les conduites, elle en fait un principe de classement et d’intelligibilité, elle le constitue comme raison d’être et ordre naturel du désordre. Exclusion de ces mille sexualités aberrantes ? Non pas, mais spécification, solidification régionale de chacune d’elles. Il s’agit, en les disséminant, de les parsemer dans le réel et de les incorporer à l’individu.
Michel Foucault Histoire la sexualité, 1 : la volonté de savoir / 1976

21 janvier 2012

perspectives désabusées

 le 21 janvier c'est l'anniversaire de la mort de Louis XVI. un choix politique assez définitif.
dans son très célèbre, parce qu'heureusement très lu, la Stratégie du Choc, joliment sous-titré la montée d'un capitalisme du désastre, Naomi Klein met en relation des méthodes de tortures développées par la CIA, visant à détruire des résistances individuelles afin d'obtenir la soumission des individus, avec les théories de l'économie ultra-libérale élaborés par Milton Freedman, lesquelles tendent à instaurer un capitalisme glouton, dévoreur d'économies entières d'états, sitôt assujettis aux diktats de l'économie privée. 
le régime donc sous lequel nous tentons de survivre. on peut également le voir désigné du beau vocable de capitalisme de la liberté (du titre d'un de ses livres). malheureusement pour lui Milton nous quittait en 2006... pas assez de souffle pour aller jusqu'à la crise de 2008 et son triomphe avec l'Exemple Grec et le début du cycle de tortures publiques infligées aux Hellènes. bravo Milton, t'avais visé juste! faut dire que tu nous avais glané le nobel au passage des seventies!, ce qui ne pouvait être le fait d'une moitié d'abruti, et aussi, vissé comme tu l'étais du côté du fric et de la force c'est moins compliqué de mettre des mots sur l'avenir, moins que pour l'économiste de base qui fait de l'économie à la Monsieur Jourdain, au mieux quand il reçoit son relevé de banque. mais ne soyons pas aigris. 
ce qui présentement me fait mal au cul, c'est de me dire qu'on est à trois-quatre mois d'élections majeures et que j'arrive pas à rentrer dans le sujet... (tout comme je suis pas allé au bout des 30 pages d'Indignez-vous!, un comble!, viscéralement je pense : Révolutionnez-vous! 'tain!!) 
sans revenir sur mon absence totale d'excitation quand paraît le candidat Hollande François, je ne mentionnerai ici que les doutes qu'il m'inspire.
doutes nés de l'expérience, expérience dite du cocu. historiquement la gauche socialiste au pouvoir en 81 n'a pas été longue à nous faire son coming-out néo-libéral, en 83 c'était plié. les mesures qui parsèment la période 83-86 font le lit du libéralisme économique quand elle n'en reprennent pas tout simplement le crédo. aucune politique venant rompre avec le passé pour des perspectives innovantes. avec le retour d'un gouvernement de gauche de 88 à 93 aucune remise en cause des torsions droitières malsaines que le premier ministre Chirac avait fait subir au pays. quant à la période Jospin, à partir de 97, c'est par pans entiers que le système-France-que-le-monde-entier-nous-envie se casse la gueule. tout y passe, recherche, industrie, éducation, santé, culture... on ne dit pas encore détricoter mais on sait déjà le faire. et que dire des 35 heures, le travailler moins pour gagner moins qui condamne les plus faibles à additionner les quarts temps... le jospinisme fut l'abandon des classes moyennes bas revenus sur l'autel du profit et de la pensée unique économique, jetant une partie de la population dans la précarité, Jospin fut le père spirituel du travailler plus pour gagner plus...
quid de l'avenir?, qu'est-ce qui pourrait bien nous suggérer l'imminente manifestation des ruptures nécessaires? surement pas le choix d'un directeur de campagne dont l'activité professionnelle est directement assujettie au CAC 40 via sa vice-présidence du Cercle de l'Industrie qui n'est pas une association gauchiste bienfaisante mais un puissant levier patronal. encore moins des propositions dont la prudence racoleuse est le grand dénominateur commun.
s'il est bien inutile d'être extra-lucide pour ne pas imaginer des lendemains qui chanteront en mai 2012, faut il d'abord être extra-crédule pour prêter foi à un discours minimaliste qui pourtant se targue de ramener le sens du peuple dans l'esprit des futurs gouvernants?
conclusion, la gauche socialiste ne me convainc pas et cependant elle me semble de toute évidence la seule gauche à pouvoir remporter ces élections. je suis totalement désespéré... 'tain François! fais moi bander!!


"On abandonne tous terrains collectifs, on se replie sur son existence individuelle ou micro-familiale, on se soucie de rien qui dépasse le cercle très étroit des intérêts personnels. Ce mouvement est encouragé par les couches dominantes; non pas qu'il y ait, évidemment, une conspiration, mais il y a toute la dynamique du système. La société de consommation, c'est cela: achetez un nouveau téléviseur, et taisez-vous; achetez un nouveau modèle de voiture, et taisez-vous. Même la prétendue libération de la sexualité va en partie dans ce sens. Vous voulez du sexe?  Eh bien, voilà, on vous donne du sexe, on vous donne plein de porno et terminé. Il en est ainsi au plan économique, mais il en est ainsi aussi au plan politique: c'est ce qu'exprime la bureaucratisation de toutes les instances de la vie collective. Faites-nous confiance, on est les experts, on est les techniciens, on est le parti qui défend vos intérêts. On est le président que vous avez élu, on est le gouvernement que vous avez porté au pouvoir, donc faites-nous confiance et laissez-nous faire; vous verrez au bout de quatre ou de sept ans. Tout cela encourage l'apathie des individus, tout cela détruit l'espace public comme espace d'activité collective par laquelle les gens essaient de prendre en charge leur propre destin. On le constate en France, aux Etats-unis, dans tous les pays occidentaux (et autres, du reste). Maintenant, si nous prenons uniquement cette tendance, faisant abstraction du risque de guerre et construisant une sorte de type idéal de l'évolution possible de la bureaucratisation de la société, mais bureaucratisation molle, sans terreur, sans Goulag. Tout simplement, les gens seraient amenés à faire ce que le régime, le pouvoir, les couches dominantes exigent qu'ils fassent en étant simplement manipulés par la dynamique de la conservation et de la consommation, par les médias, par les organismes bureaucratiques qui gèrent les différents domaines de la vie sociale, etc."


 Cornélius Castoriadis, Les significations imaginaires, 1981.

Aucun commentaire: