ÎLE *
Il pleure tellement dans ma mémoire
qu'une mer s'étend autour de moi
* Les îles poussent dans la mer et gardent leurs
distances. Entourées d'un bleu agité elles voyagent dans le silence et
le temps. Parfois elles tombent malades et sombrent.
Pànos Kyparìssis, traduit par Michel Volkovitch
les jours sont plus longs et le soleil plus doux. les rues, il y a peu désertes et silencieuses, lugubres en un mot, s'animent enfin. "enfin", pour celui qui les a traversées tout l'hiver avec ce curieux ressenti d'avoir anticipé sa propre mort.
bruits de chantiers, odeurs de peinture, devant les magasins encore clos ou tout juste entr'ouverts, s'entassent ici ou là les cartons "made in china", témoins de l'optimisme commercial que sut transmettre un infatigable VRP à un boutiquier influençable. passé proche, quand à l'issue d'une saison déjà décevante, on envisageait, sans trop encore la craindre, la suivante.
nous y voici. les premiers saisonniers sont arrivés eux aussi. quelques nouveaux visages seulement, la première vague étant principalement constituée de "vétérans". retrouvailles, mais encore un peu de patience pour faire de nouvelles connaissances et expliquer, comme au premier jour, à quelle table et comment je veux mon café le matin... heures gourmandes des rencontres... et autres premières fois...
mais après tant de premières fois on finit par atteindre la dernière.
cette année certains locaux n'ont pas trouvé preneurs. signes de crise, plusieurs enseignes du centre ville disparaissent ainsi sans successeurs. le ton est donné, les inquiétudes noyautent les conversations, l'avenir insondable les laisse s'emparer des esprits, ici on réduit le personnel, là on envisage des prix raisonnables, parfois on se propose de conjuguer les deux... beaucoup de doutes et bien peu d'entrain à se remettre en route. il faut dire que dans cet environnement difficile les huissiers ne chôment pas et leurs clercs, en bons rabatteurs d'administrations aveugles, ont traqué le "mauvais payeur" tout l'hiver. ils laissent au tableau leur ombre permanente.
il faut que chacun attende la fin de ce mois pour savoir si réellement le miracle de la vie d'importation qui se réalise chaque année sous le nom de manne touristique, se produit cette fois encore. si à la date des Rameaux, lorsque les premiers cars de vieux curieux, les premiers navires de croisiéristes rhumatisants, les premiers charters d'anglais usés, seront aptes ou non à réanimer notre système d'aliénation consenti par la force des choses économiques. viendront-ils en nombre et suffisamment friqués pour payer le curé de toutes ses déambulations pascales, pour dénicher le souvenir chez le commerçant affable, pour se gaver de cette authenticité light fabriquée pour eux seuls???
ce même questionnement doit tarauder à l'heure qu'il est l'ensemble du monde méditerranéen, sacrifié à la ressource unique du tourisme.
comme un symbole, l'arbre de la Place, Phytolacca dioica, a souffert de la tempête de janvier dernier, il tend tristement ses moignons nus au dessus du vide. il n'y aura de toute façon pas assez d'ombre pour tout le monde aux heures chaudes de l'été...
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