Ces beaux noms d’hérésies renvoient à une nature qui s’oublierait assez pour échapper à la loi, mais se souviendrait assez d’elle-même pour continuer à produire encore des espèces, même là où il n’y a plus d’ordre. La mécanique du pouvoir qui pourchasse tout ce disparate ne prétend le supprimer qu’en lui donnnant une réalité analytique, visible et permanente : elle l’enfonce dans les corps, elle le glisse sous les conduites, elle en fait un principe de classement et d’intelligibilité, elle le constitue comme raison d’être et ordre naturel du désordre. Exclusion de ces mille sexualités aberrantes ? Non pas, mais spécification, solidification régionale de chacune d’elles. Il s’agit, en les disséminant, de les parsemer dans le réel et de les incorporer à l’individu.
Michel Foucault Histoire la sexualité, 1 : la volonté de savoir / 1976

01 février 2012

Catastroïka

après avoir réalisé Debtocracy, documentaire sorti en 2011 et couvrant le sujet de la dette grecque, les journalistes Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi nous replongent dans l'analyse de l'enfer économique contemporain avec Catastroïka
leur premier opus décryptait les manœuvres d'instrumentalisation de la dette par le pouvoir économique afin d'absorber les états concernés en les mettant sous tutelle. la dette est une arme liberticide, ils montraient comment l'Equateur en rejetant une partie de sa dette était parvenu à y échapper.
ce second ouvrage intègre ces évènements à l'histoire du libéralisme et postule que nous assistons à la mise en place d'un nouveau régime à l'échelle planétaire.
le terme de catastroïka est apparu en écho à la pérestroïka de Gorbatchev. le mot acquit réellement tout son sens dans les années Eltsine, illustrant le processus, totalement inédit dans la culture russe, de désengagement radical de l'état qui laisse des pauvres par millions en proie à une poignée d'oligarques influents et soumis à un autocrate parvenu.
le mot a le mérite de se faire comprendre dans toutes les langues, donnant à la catastrophe à la fois une ampleur idéologique et une envergure programmatique politique, sans oublier l'omniprésente troïka qui occupe et surveille l'espace socio-politique grec. 
le dogme ultra-libéral de la privatisation de l'économie avait été au préalable testé par les Thatcher et Reagan dans leur pays respectif, mais de telles évolutions ne pouvaient encore s'enraciner dans ce qui constituait encore le terreau démocratique de l'Occident libéral. ce n'était que partie remise. c'est donc à un Pinochet au Chili qu'il convient de faire remonter l'application stricte du nouveau régime.
ce changement des règles politiques a lieu partout dans le monde depuis les années 70. c'est une lecture historique de ce qui se passe en Grèce, s'agissant de la privatisation la plus importante jamais opérée, celle de tout un pays et de son peuple. 
Naomi Klein qui intervient dans le documentaire, voit dans la prise de fonctions de Papadémos à Athènes un moment de vérité qui permet de faire tomber les masques. certes Lucas Papadémos ne figure pas parmi les ex de Goldman Sachs, comme les sieurs Monti et Draghi,  mais il en fut le principal interlocuteur de 1994 à 2002 au titre de gouverneur de la Banque de Grèce, lui seul a pu accorder à la banque US toute liberté de manœuvre. manoeuvres passablement douteuses, sinon carrément frauduleuses, tant dans la crise greco-européenne que dans celle des subprimes.
tandis que la grande majorité des médias fait comme si tout est normal, tout va  pour le mieux dans le meilleur des mondes, voici un documentaires qui a le mérite de ne pas rester neutre et justifie la montée en puissance des Indignés de par le monde.

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